Note de conjoncture politique sur le mouvement des universités (22.02.09)

lundi 23 février 2009
par  SUD Education NICE
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  1. Croissance du mouvement universitaire

La conjoncture est bonne.

Même si certains enseignants-chercheurs commencent à fatiguer un peu, après deux, trois voire quatre semaines de grève suivant les configurations locales, et qu’ils espèrent légitimement un prompte retrait des projets gouvernementaux pour remettre les universités en marche, d’autres aspects plus essentiels du mouvement montrent que la détermination de tous est intacte et que, surtout, le mouvement dans son ensemble, continue de croître.

1) Tout d’abord l’entrée en masse des étudiants dans la mobilisation à compter de leur coordination nationale de Rennes le week-end dernier (14-15 février) a profondément modifié le mouvement universitaire cette semaine.

D’une part, la mobilisation étudiante produit un effet relais, notamment dans les manifestations, lorsque les enseignants s’essoufflent ;

d’autre part cela induit un élargissement des revendications qui contribue à faire monter la pression sur le gouvernement.

Les étudiants demandaient à la coordination nationale des universités un ralliement à leur revendication centrale : « abrogation de la LRU ».

Ils ont obtenu satisfaction, avant-hier, lors de la quatrième coordination nationale : http://www.shesp.lautre.net

2) Ensuite, la météorologie médiatique s’est nettement améliorée, depuis le week-end dernier aussi, avec l’édito (13 février) du journal Le Monde (qui exerce une certaine influence sur les autres médias) sur la « Faute lourde » de Nicolas Sarkozy insultant le monde de l’enseignement et de la recherche (Discours du 22 janvier 2009).

On peut y voir soit un effet des campagnes de désabonnement lancées dans le monde universitaire soit un sursaut de lucidité du journal face à l’ampleur prise par le mouvement.

Quoi qu’il en soit, sa ligne éditoriale s’est retournée à 180° et, même si le nombre d’articles consacrés au mouvement reste faible, ils ne sont plus systématiquement opposés au mouvement universitaire comme cela était le cas avant. Le nombre de dépêches AFP par jour a sensiblement augmenté.

Les radios commencent aussi à évoluer.

Dans l’ensemble, les journalistes ont maintenant eu le temps de prendre connaissance de ces dossiers techniques et complexes, mais qui sous-tendent des enjeux majeurs pour la société française toute entière.

3) Les manifestations partout en France, jeudi 19 février, ont donné un bon indicateur de la croissance du mouvement même en tenant compte de l’effet relais étudiants / enseignants évoqué précédemment.

Les journalistes qui font leur travail correctement ne s’y sont pas trompés : en tenant compte de l’impact des vacances scolaires dans deux zones sur trois et en comparant l’ampleur des manifestations non pas à la manifestation nationale du 10 février mais aux manifestations antérieures similaires, c’est-à-dire locales, ils observent une croissance spectaculaire du nombre de manifestants (Libération, France Info, AFP).

4) La quatrième coordination nationale des universités, vendredi 20 février, a été, à tous égards, l’une des plus réussies des quatre rencontres organisées depuis le 22 janvier.

L’organisation logistique assurée par le comité de Nanterre était impeccable.

La qualité des débats - collectivement beaucoup mieux maîtrisés que par le passé - très supérieure à celle des précédentes rencontres.

Les communiqué, motions et calendrier votés par la coordination nationale sont mieux que jamais adaptés à la conjoncture du moment.

Ils reconduisent évidemment la grève reconductible, totale et illimitée dans l’ensemble du monde de l’université et de la recherche. Ils impulsent et organisent les convergences de la maternelle au supérieur. Ils confirment la parfaite et harmonieuse articulation entre la coordination nationale et les syndicats organisés en intersyndicale.

Ils exigent l’abrogation de la loi LRU comme préalable à une reconstruction sur ce champ de ruines que le gouvernement actuel a créé.

 2. Le recul annoncé du gouvernement

Cette croissance du mouvement universitaire prolonge celle des trois semaines précédentes et explique la stratégie de recul du gouvernement amorcée après le Conseil des Ministres du mercredi 11 février.

Le Canard enchaîné (18.02.09), nous apprend que la ministre Valérie Pécresse s’est vue signifier le vendredi 13 février par le Secrétaire Général de l’Elysée la nouvelle position du Président de la République : retrait du projet de statut sur les enseignants-chercheurs.

Le Premier Ministre la lui a confirmée quelques heures plus tard. Dans le sillage du Chef de l’Etat et du Premier Ministre, une partie des députés du Groupe UMP considèrent depuis lors qu’il y a urgence à retirer ce décret. Valérie Pécresse a ensuite « perdu » son Directeur-ajoint de Cabinet en charge de l’évaluation, Jean-Philippe de Saint-Martin ex-Secrétaire général de l’Agence nationale de la recherche (ANR) dont la nomination fut annoncée en mai 2007 (Les Echos, 24 mai 2007) et effective à compter du 7 juillet 2007 et qui avait donc préparé la LRU.

Ce genre de démission (JO 17 février 2009) de conseiller ministériel « sur sa demande », peut parfaitement, dans les traditions gouvernementales, être décidée par l’Elysée et Matignon sans l’accord de l’intéressé ni même de la ministre concernée.

D’autre part, la Direction de l’UMP avait annoncé le 7 février l’annulation de l’ensemble des rencontres publiques de Valérie Pécresse face Roger Karoutchi par crainte des interpellations universitaires / étudiantes durant ces rencontres. Une seule rencontre sur les huit initialement prévues a pu avoir lieu.

Une émission de face à face Pécresse / Karoutchi est certes programmée le 7 mars pour diffusion publique le 13 mars sur France 3 Paris Ile-de-France (AFP hier) mais Valérie Pécresse, considère elle-même avoir déjà perdu la primaire interne à l’UMP pour la candidature aux élections régionales : « Si les militants votent dans ce climat, je suis foutue.

Mais si je recule (sur le décret) je suis aussi foutue. » (Le Canard enchaîné 18.02.09).

Dans cette situation d’isolement au sein de sa majorité, Valérie Pécresse craint donc en cas de « retrait sec » du décret enseignant-chercheur, de devoir défaire l’ensemble de sa loi et par suite de voir sa carrière politique ressembler à celle de Devaquet après le retrait de son projet universitaire en novembre 1986 : une disparition définitive de la scène politique. Cette situation d’isolement de la Ministre qui lutte maintenant pour sa survie politique explique sa réticence et sa résistance à annoncer purement et simplement un / des retrait(s) de projets en cours.


Combien de temps tiendra-t-elle ?

La réponse tenant à la fois de sa psychologie personnelle, des relations internes à son Cabinet, nécessairement opaque, et aux faibles soutiens qu’elle peut trouver à l’extérieur… est difficile à faire, même en estimation.

 3. Le dernier espoir de Pécresse : les propositions Fasquelle

Cependant, une chose est certaine aujourd’hui : ses marges de manœuvre sont très étroites et, en ce qui concerne le statut des enseignants-chercheurs, elle ne dispose plus d’autre voie de passage que celle que le député Daniel Fasquelle (Doyen de la Faculté de droit à L’Université du Littoral Côte d’Opale – ULCO, Boulogne) a tenté d’ouvrir, depuis plusieurs semaines, sous la forme de propositions rendue à la Ministre et à la médiatrice ce lundi 16 février (texte diffusé publiquement mercredi 15 février).

L’un des enjeux intermédiaires et actuels pour le mouvement universitaire est donc de faire obstacle aux propositions Fasquelles à la fois parce que ces propositions sont absurdes au regard des réalités professionnelles des enseignants chercheurs et aussi pour enlever tout espoir d’échappatoire à Valérie Pécresse..

Cet espoir c’est l’acceptation par les universitaires d’une évaluation-(modulation ?) des enseignants-chercheurs sous contrôle des CNU.

Sur cette option « évaluation-(modulation ?)-CNU » convergent aujourd’hui la Ministre, une partie (probablement petite) du groupe parlementaire UMP, une partie (nettement décroissante) de la Conférence des Doyens de Droit dont le Président est aujourd’hui est contesté en interne par certains Doyens et en externe par l’association Qualité de la Science Française, une partie de la Conférence des Présidents d’Université néanmoins très divisée, et probablement une partie des collègues élus aux CNU au moins pour ce qui concerne le renforcement des pouvoirs du CNU qui en résulterait. Or, la mise en œuvre d’une telle option ne peut pas se passer du classement des revues tel que réalisé par l’AERES : c’est en effet la seule solution concrète pour produire une évaluation de 60 000 enseignants-chercheurs sans croissance vertigineuse (et impensable dans le contexte budgétaire actuel) du budget du CNU : une quantification sociométrique de la valeur de chaque publication scientifique pour aboutir à une notation objectiviste de chaque chercheur et enseignant-chercheur qui affectera ensuite ses conditions de travail.

Les juristes (sections 01, 02 et 03 du CNU) sont parvenus à s’opposer au principe même de la bibliométrie. Les politistes (Section 04 du CNU) à faire retirer le classement A, B, C même si cela n’apparaît pas encore sur le site de l’AERES. Les risques de la bibliométrie sur les autres sciences sont également importants et inquiètent notamment les mathématiciens, mais aussi les astrophysiciens. De nombreuses critiques se sont exprimées également dans d’autres disciplines. 3954 chercheurs ont demandé le retrait complet et définitif des listes de revues classées par l’AERES. Plusieurs projets de texte sont en préparation pour signature par les revues critiquant le classement voire demandant leur propre retrait du classement.

En ce qui concerne plus spécifiquement les sciences humaines et sociales, une évaluation sociométrique de nos travaux articulée à un système de décision centralisé sur nos activités produira un laminage intellectuel de la production scientifique : le filtre technocratique de l’AERES (un conseil mandarinal = sans MCF ni Chargés de Recherche ; des « groupes de travail » non élus mais nommés par l’administration ; des critères d’évaluation inexistants laissant place à tous les manipulations clientèlistes...) associé aux inévitables dominances paradigmatiques, idéologiques ou clientélistes qui structurent le fonctionnement des sections du CNU conduira inéluctablement à laminer les formes de pensées décalées, marginales, dissidentes... mais surtout les formes de pensées nouvelles, émergentes, qui font tout l’intérêt de la recherche scientifique. Ce sera une formidable machinerie à produire de la pensée unique et du conservatisme intellectuel… quels que soient les pensées uniques et les conservatismes de chaque époque et de chaque discipline.

Il est donc urgent, à titre d’objectif intermédiaire, d’ouvrir deux débats essentiels : veut-on (et si oui, sous quelles conditions ?) d’une évaluation par les CNU ? Peut-on accepter le classement actuel des revues scientifiques par l’AERES et son usage probable dans l’évaluation des enseignants-chercheurs ?

 4. Le problème Darcos

La suspension de la réforme de la formation et des concours de recrutement des enseignants des premier et second degrés est également un enjeu intermédiaire majeur de la mobilisation avec une forte probabilité de victoire à court terme.

En effet, le très petit nombre d’universités ayant accepté de renvoyer les « maquettes » (projets de diplômes) au Ministère a contraint les autorités à repousser pour la deuxième fois la date limite de remise des documents, cette fois-ci jusqu’au 31 mars. Il n’y a évidemment aucune raison pour que les universités ayant refusé ce jeu de dupes en février l’acceptent en mars.

Et le calendrier universitaire avançant… la probabilité d’une rentrée universitaire en septembre 2009 dans les conditions espérées par le ministère est proche de zéro.

Cette réforme vise à démanteler les concours nationaux de recrutement des enseignants des premier et deuxième degrés et à produire une masse d’enseignants diplômés mais non recrutés qui seront alors employables tant par le secteur privé que sur des contrats à durée déterminée dans le secteur public.

Ce mode de production d’enseignants diplômés précaires ou chômeurs devrait peser à long terme sur les négociations relatives au maintien du pouvoir d’achat des grilles indiciaires en ce qui concerne les enseignants statutaires actuels.

C’est pourquoi, la mobilisation des enseignants des premiers et deuxième cycles, si elle peine à s’amorcer durant ces périodes de congés, devrait démarrer au retour des vacances notamment à partir du 2 mars et surtout du 9 mars.

En attendant la pétition demandant la démission de Xavier Darcos, qui est à l’origine de cette réforme et de propos outranciers révélant sa conception mercantile de l’Education Nationale bat des records de popularité en réunissant près de 10 000 signatures en moins d’une semaine.

A la date échéance du 5 mars, la coordination nationale appelle à la démission de toutes les charges administratives non électives et au refus de participation aux jurys (bac, BTS, DUT, Capes-Agreg, session de printemps…) et à pratiquer l’obstruction dans le cadre des mandats électifs.

La prochaine rencontre de la coordination nationale fixée au 6 mars à l’Université Paris 12 permettra alors de tirer les conclusions qui s’imposeront.

 5. Conclusion

La conjoncture pour atteindre l’objectif de la coordination nationale des universités d’abrogation de la LRU n’a donc jamais été aussi bonne depuis deux ans. On peut entendre cette demande d’abrogation de différentes manières : pas forcément au sens juridique du terme, une loi pouvant parfaitement être de facto abrogée en étant tout simplement vidée de son contenu et impossible à mettre en œuvre.

A cette fin, l’enjeu central pour le mouvement universitaire est maintenant de durer et de continuer à croître en favorisant les convergences étudiants / enseignants et les convergences de la maternelle au supérieur.

La semaine qui vient sera difficile : deux zones sont encore en vacances scolaires et l’essoufflement chez certains enseignants-chercheurs devrait s’accentuer. Il faut donc encore une fois « densifier » la grève active en développant les programmes de conférences publiques intra muros mais surtout, mardi 24 février, hors de l’université. Les manifestations de jeudi 26 février aideront également à passer cette semaine difficile. A partir de la semaine suivante, une seule zone restera en congés et la dynamique des mobilisations intersyndicales en vue de la grande journée nationale du 19 mars favorisera de nouveau le mouvement universitaire comme cela s’est passé en amont de la précédente journée nationale du 29 janvier.

Neuf jours avant les convergences intersyndicales du 19 mars, la grande manifestation nationale à Paris « De la maternelle à l’université » , le 10 mars, sera donc à la fois une date relai et la journée essentielle pour toute l’Education Nationale.

source : http://www.shesp.lautre.net/spip.ph...


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